Entre les autoportraits en mendiant gravés par Rembrandt et les épuisements du paysage par la mine de plomb d’Adrien Neveu (né en 1986), quels rapports ? La réunion de quelque 250 dessins et estampes par Frédéric Pajak, directeur des Cahiers dessinés, permet d’en laisser décanter plus d’un. Ainsi, chez Otto Dix, connu pour ses gravures au trait heurté par le bruit des canons de la Grande Guerre puis dévoué pour un temps au silence du paysage, l’art du trait ne sait pas mentir. Chez lui comme chez Jacques Callot, Goya, Vallotton ou encore Anne Gorouben, les pratiques de ces deux genres – recouvrant deux champs de conscience – ne se repoussent pas irrémédiablement. Pissarro, paysagiste s’il en est, fut aussi l’anarchiste fervent dont témoignent ses figures au vitriol, composées en 1889 pour son recueil Turpitudes sociales. À Vevey, Frédéric Pajak entraîne les inquiétantes mélancolies de Folon à croiser la route d’un autre témoin, Zoran Muši, qu’hante l’indicible barbarie humaine « rationalisée » par les nazis. Pour ce regardeur étonné du dessin, il s’agit de laisser librement se rejoindre la conscience politique et la rêverie.

Myriam Hélard

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