La nuit claire


Henri-Claude Cousseau
Éditions Jacqueline Chambon


La nuit claire est un recueil d’une trentaine de portraits écrits sur des artistes que Henri-Claude Cousseau, aujourd’hui directeur de l’École nationale supérieure des Beaux-arts, a rencontrés tout au long de sa carrière en tant qu’institutionnel de la culture. Dans cet ouvrage, figurent des personnalités aussi variées que R. Baquié, J.-P. Bertrand, P. Bloch, Ph. Boutibonnes, J. Hélion, N. Toroni, Sarkis, G. Chaissac, Soulages, P. Oursler, P. Buraglio et bien d’autres encore. Matisse, Picasso, Duchamp, ne figurent pas à la table des matières : l’auteur, indépendant dans son approche de l’art mais retenu par ses fonctions, a plutôt privilégié des artistes peu compris ou restés longtemps incompris du public, en mêlant savamment travail de commande et rigueur professionnelle à une pensée plus intime, véritable digression poétique de l’homme de lettres, historien et critique d’art. L’ouvrage peut paraître disparate car les articles, tirés de sources diverses (revues, catalogues d’exposition), écrits sur trente ans (entre 1976 et 2004) et de longueurs très inégales (entre 2 et 20 pages), s’enchaînent sans transition ni hiérarchie. Il trouve cependant son unité dans la plume de l’auteur et le plaisir manifeste que ce dernier prend à restituer l’œuvre et à retranscrire par les mots ce que nos yeux perçoivent parfois difficilement. Cousseau est un “passeur” qui souhaite «rendre accessibles, tangibles, perceptibles les enjeux, les raisons, les méandres, les singularités» de la pensée des artistes. Il est donc vain de chercher à travers ces portraits quelque théorie sur l’art, doctrine, démonstration, attitude à adopter : ce livre est tout sauf jugeant. L’intérêt du recueil réside par ailleurs dans la découverte en filigrane de la personnalité de Cousseau : fruits de 30 ans d’activités professionnelles, la sélection et la description des artistes qu’il a retenus nous révèlent ses inclinations personnelles, son esprit transpositeur, sa manière toute personnelle de lire l’œuvre comme une page de signes aux rythmes habilement ponctués. Cet ouvrage est un bel hommage à l’écriture de l’art – moment d’éclaircissement et de clarté dans la nuit que représente le réel – et à tous les artistes qui, «dans notre aveuglement, nous rendent la vue». D’où le titre de l’ouvrage, expression propre à Jean Hélion dans ses Carnetspour évoquer l’exercice de la peinture.

Juliette Chegaray


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