Jean-Jacques Lequeu. Bâtisseur de fantasmes.
L'exposition
L’étrange chez Lequeu s’exprime dès lors en toute chose : il s’impose dans le contraste, l’expression dramatique d’un portrait, le doute entretenu par un trompe-l’œil ou l’érotisme cru. En regard de telles œuvres, même ses Têtes de petits chahutants – c’est-à-dire de chouettes – flirtent avec la déviance, le caractère nocturne de l’animal rimant avec une connotation pernicieuse. Artiste incompris de son temps, Lequeu présage avec son abord osé de la nudité certains nus des modernes – dont Le Déjeuner sur l’herbe de Manet reste l'icône.
Pour Stéphane Pencréac’h, né en 1970, « quand on fait de l’art, on prend en compte tout ce qui a été fait auparavant ». Aussi sa pratique accorde-t-elle approche résolument contemporaine – se nourrissant en partie de la virtualité développée par les technologiques numériques – et références à la peinture d’histoire et aux mythes fondateurs. Dans Via Crucis, l’artiste présente par exemple une Déposition, scène issue des Évangiles figurant le corps de Jésus après la descente de croix. Mais il sort l’épisode de son cours traditionnel en le brossant dans une facture post-expressionniste jusqu’alors « invue » : l’angélisme de Jésus y est remplacé par l’antagonisme d’une bête féroce, symbole médiéval d’une réalité condamnée, de même que le visage de la femme portant son corps est supplanté par un inquiétant gouffre noir. Après l’espace André Malraux, l’exposition se poursuit au musée d’Unterlinden, où un gisant et une figure de la mort forment sa continuité, transcendant elles aussi les époques et dressant un bilan douloureux de notre temps. Le Christ, figure du martyr, est comme le maître de cérémonie d’un parcours d’exposition en chemin de croix, référence au Retable d’Issenheim, qui ornait autrefois le maître-autel du couvent des Antonins, au sud de Colmar.
Dès 1837, Turner a prouvé que la modernité était concevable dans la manière, peignant des paysages de lumière aux airs inachevés. Dissolvant le souci du détail dans des atmosphères nuancées, des paysages comme son Landscape with Water (1840-45) – dont le centre iridescent célèbre les noces aveugles du soleil et de son reflet sur l’eau – ont pu être considérés comme annonçant l’impressionnisme. Quelque soixante ans plus tard, les effets harmonieux des rouge et noir prévalent également sur la définition du dessin de la robe dans le Red and Black: The Fan (1894) du cosmopolite Whistler. Entre ce point culminant de l’œuvre de Turner et ce portrait mature de Whistler, c’est presque l’ensemble du règne de la reine Victoria qui s’étend. Recouvrant cette période, le parcours de l’exposition, que l’on doit à l’historien de l’art William Hauptman, met en scène trois générations de peintres.
Extrait de l'article d'Emma Noyant, publié dans le N°87 de la revue Art Absolument.
Parution le 11 mars 2019
Pour Stéphane Pencréac’h, né en 1970, « quand on fait de l’art, on prend en compte tout ce qui a été fait auparavant ». Aussi sa pratique accorde-t-elle approche résolument contemporaine – se nourrissant en partie de la virtualité développée par les technologiques numériques – et références à la peinture d’histoire et aux mythes fondateurs. Dans Via Crucis, l’artiste présente par exemple une Déposition, scène issue des Évangiles figurant le corps de Jésus après la descente de croix. Mais il sort l’épisode de son cours traditionnel en le brossant dans une facture post-expressionniste jusqu’alors « invue » : l’angélisme de Jésus y est remplacé par l’antagonisme d’une bête féroce, symbole médiéval d’une réalité condamnée, de même que le visage de la femme portant son corps est supplanté par un inquiétant gouffre noir. Après l’espace André Malraux, l’exposition se poursuit au musée d’Unterlinden, où un gisant et une figure de la mort forment sa continuité, transcendant elles aussi les époques et dressant un bilan douloureux de notre temps. Le Christ, figure du martyr, est comme le maître de cérémonie d’un parcours d’exposition en chemin de croix, référence au Retable d’Issenheim, qui ornait autrefois le maître-autel du couvent des Antonins, au sud de Colmar.
Dès 1837, Turner a prouvé que la modernité était concevable dans la manière, peignant des paysages de lumière aux airs inachevés. Dissolvant le souci du détail dans des atmosphères nuancées, des paysages comme son Landscape with Water (1840-45) – dont le centre iridescent célèbre les noces aveugles du soleil et de son reflet sur l’eau – ont pu être considérés comme annonçant l’impressionnisme. Quelque soixante ans plus tard, les effets harmonieux des rouge et noir prévalent également sur la définition du dessin de la robe dans le Red and Black: The Fan (1894) du cosmopolite Whistler. Entre ce point culminant de l’œuvre de Turner et ce portrait mature de Whistler, c’est presque l’ensemble du règne de la reine Victoria qui s’étend. Recouvrant cette période, le parcours de l’exposition, que l’on doit à l’historien de l’art William Hauptman, met en scène trois générations de peintres.
Extrait de l'article d'Emma Noyant, publié dans le N°87 de la revue Art Absolument.
Parution le 11 mars 2019
Quand
11/12/2018 - 31/03/2019