Anselm Kiefer. Livres et xylographies
L'exposition
Qu’est ce qu’un livre ? La construction d’un récit à travers un ensemble de mots, d’une part. L’objet contenant, l’assemblage de feuilles imprimées et réunies, de l’autre. Né en 1945 dans une Allemagne nazie en passe de capituler, Anselm Kiefer n’a jamais vraiment pu choisir entre écrire ou peindre. Aussi l’artiste a-t-il fait du livre, dans la deuxième acception du mot, un support de choix pour son œuvre plastique. Pour ériger un récit au fil des pages. Pour créer un livre non écrit, dans le premier sens du terme cette fois. Pour « se livrer à une occupation grinçante d’espaces significatifs », car Anselm Kiefer agglomère des matériaux dans ses pages – des photographies, des aquarelles et des extraits de magazines certes, mais aussi du feutre, du plâtre, des cendre, du sable, des cheveux, de la paille ou des fleurs séchées… Ces éléments ainsi rassemblés viennent palier au texte. Nourris de références littéraires, philosophiques ou historiques – ces ouvrages sont « une matérialisation de l’immatérielle pensée », comme l'a justement noté Jean-Luc Nancy à leur propos. Kiefer y condense très concrètement ses lectures de Heidegger, Céline, Valéry, Celan ou Genet... C'est à ce dernier qu'Anselm Kiefer dédie en 1969 un de ses premiers livres, où une photographie le montre jeune refaisant le salut nazi de son propre père, officier dans la Werhmacht. Ce geste qu'il revendiquera comme un antidote à la chape de plomb posée après-guerre sur les années noires rappelle une autre fonction de ses ouvrages: mémorielle et attachant leur destin à la tentative d'extermination des juifs d'Europe, peuple du Livre.
L’exposition de la Fondation Jan Michalski présente un ensemble de ces livres réalisés entre 1969 et 2017, qu’elle accompagne d’une sélection de xylographies.
Emma Noyant
Quand
08/02/2019 - 12/05/2019