Marc Couturier


Anne Dagbert et Jean-Michel Phéline Éditions Ereme


On entre dans l’ouvrage de Marc Couturier par le silence. Un silence sublimé, pourrait-on dire, tant son oeuvre porte en germe la notion de sacré. Couturier s’attache à des signifiants issus du monde végétal, organique et minéral, véritables motifs sériels et langages essentiels depuis les années quatre-vingt, quand l’artiste fut transcendé par l’apparition d’une barque émergée près de chez lui. Les Barques, qu’i remplit d’eau, expose en lévitation, renverse à la verticale, s’imposent à lui comme une manifestation spirituelle, une “épiphanie”, un lien solaire qui le rapproche de la Genèse (l’arche de Noé) et de l’ancienne Égypte (le parcours sur le Nil du Dieu Amon-Rê). Les Lames ensuite et les Lauzes qu’il accroche au firmament des murs, couchées ou dirigées vers le ciel, l’utilisation de l’hostie, du marbre, de l’aucuba, de la feuille d’or, poursuivent le dialogue avec le divin et l’idée même de la beauté. Les objets qu’il donne à voir incarnent une pensée généreuse et universelle, celle de la communion et du partage, celle d’une quête de la vérité plutôt que de la réalité. Ils soumettent également la question de l’identité de l’artiste lorsque, mû par un souffle démiurgique, celui-ci transpose dans son geste artistique l’infini de la Création. Les Redressements,série d’objets communs que l’artiste récupère et recontextualise dans son travail, finissent de placer la démarche de Couturier dans un rituel profane et commandé par une cosmogonie personnelle, nourrie de l’enfance et de nombreuses rencontres. Cet ambitieux dessein n’empêche pas l’humilité, lasincérité de l’artiste, subjugué devant la puissance incantatoire des formes qu’il met en scène, que ce soit dans des espaces d’exposition, des églises, au musée des Arts d’Afrique et d’Océanie ou dans le choeur de Notre-Dame de Paris. Les séquences d’images se succèdent, l’ouvrage glisse à merveille sur la densité du travail de Couturier avant de laisser place aux textes d’Anne Dagbert et Jean-Michel Phéline. Dagbert tisse les liens entre ses pièces majeures, défie les quelque vingt années de créations sans enfermer son analyse (et l’oeuvre par là même) dans un programme rigide et déterminé par des ruptures, quand Phéline décrit l’installation de l’artiste dans la cathédrale Notre-Dame. Deux approches, donc, pour un ouvrage sensible qui a su mettre en lumière ce travail magistral, discret sans être austère. Toujours aux aguets d’un émerveillement de plus.

Emmanuel Pos


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