Egon Schiele, l’amour et la mort


Jane Kallir
Éditions Gallimard


À l’occasion d’une rétrospective exceptionnelle de l’oeuvre d’Egon Schiele au Van Gogh Museum d’Amsterdam, Jane Kallir, spécialiste de l’artiste autrichien, propose un nouvel ouvrage qui retrace la vie de la figure singulière qui bouleversa l’art viennois. Dessins, aquarelles et peintures s’agencent au coeur d’un récit bibliographique avisé, qui nous plonge dans l’univers fascinant et sensuel de Schiele. L’amour et la mort : la clarté du titre ne trompe pas, elle met un point d’honneur au thème qui hante douloureusement la création de Schiele. Mais sa simplicité est, quant à elle, loin d’être négligeable : les deux termes antagonistes et pourtant étroitement liés ne sont que l’expression de l’ambivalence qui travaille l’existence humaine. De son entrée à l’Académie des Beaux-arts de Vienne jusqu’à sa mort prématurée – il disparaît à l’âge de 28 ans – Schiele évolue dans les méandres d’un art expressionniste qui puise ses racines au sein d’une individualité en quête désespérée de sens. Fortement influencé par l’art du Klimtgruppe qui se dégagea de la Sécession de Vienne, le jeune artiste se forge une création individuelle sur les traces de la technique ornementale mais également du symbolisme exploité par Klimt. Schiele se réapproprie ainsi de manière innovante la dimension allégorique mise en lumière par la représentation de Klimt. L’expressionnisme qui marque peu à peu ses oeuvres, devient l’instrument idéal pour développer l’obscurité angoissante d’un monde animé d’une sensualité menaçante. Préoccupé par l’expression de l’essence de l’existence, et immergé tout à la fois dans une introspection individuelle, le jeune peintre marque sa création dans la tension permanente des rapports violents qui lient l’Éros au Thanatos. Des portraits tourmentés aux paysages chaotiques, pèse le souffle de la mort, irrémédiable. Le corps nu ou à demi-nu hante la représentation, se déforme, se métamorphose, sous l’impulsion d’une torsion obsédante. L’angoisse sexuelle qu’exhale l’oeuvre invoque le sensuel exalté dans sa dimension la plus inquiétante. Les nombreux autoportraits dévoilent une figure tantôt séduisante, tantôt monstrueuse. Le parcours raisonné et pertinent à travers l’oeuvre fascinante nous emporte dans un voyage au coeur du néant. Au fil de l’aléatoire des facettes d’un personnage idéalisé, mystifié, aliéné, torturé, se dessine une chute effrénée vers l’abîme, nourrie par la quête éperdue d’identité. Seul le mysticisme qu’il accorda à son art aura raison du tragique de sa destinée : « L’art ne peut être moderne ; l’art est primordialement éternel ».

Elsa Assoun


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