Dernier exil à Tanger


Stéphane Guibourgé / Photographies Roland Beaufre
Éditions du Regard


Un homme vient chercher à Tanger la trace de son frère disparu, dont il garde sur lui des lettres signées par son ancien protecteur, John Cawler. Les deux ravivent – avec une affection et une émotion différentes – la mémoire du disparu, qui s’est évanoui mystérieusement, sans donner signe de vie, et en laissant un grand vide derrière lui. Le récit donne l’impression d’être construit à la manière d’un cahier de brouillons, où les notes, éparses, que vient distiller le souvenir, tentent de rattraper une intrigue fuyante. Pour accentuer l’effet, le texte est jalonné des photographies de Roland Beaufre, représentant bien souvent les lieux habités par la présence des multiples artistes qui sont venus se perdre dans les illusions et les mensonges de la cité marocaine. Ce n’est pas la Tanger des orientalistes du XIXe siècle que l’on découvre, irréelle et fantasmée, mais le cloaque sordide de la Beat Generation, la boue humaine qui aspire les désirs et les passions où se mêlent le kif, la prostitution et la misère. À la faveur sans doute de ce décors glauque et d’un récit porté sur l’introspection, l’histoire bascule au polar – bien que toujours hantée par les fantômes de Burroughs et Ginsberg – et met en scène un capitaine de police usé par les ans et les horreurs quotidiennes, qui enquête sur l’assassinat d’une jeune femme retrouvée mutilée dans la rue. Le policier sera le confident des angoisses de Pierre, qui vient lui révéler la disparition de son frère, et appelle à son secours. Or, comme le capitaine connaît bien aussi les mystères et les bas-fonds de la ville, il trouvera, il comprendra dans la bourbe des venelles tangéroises le vrai visage de la nature humaine.

Antoine Fonsagrive


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