Études cézanniennes


Jean-Claude Lebensztejn
Éditions Flammarion/Histoire de l’art


La première des cinq Études cézanniennes composées et réunies par Jean-Claude Lebensztejn, s’intitule Les couilles de Cézanne. Pas d’inquiétude, le professeur d’université sait de quoi il parle quand il évoque l’oeuvre de jeunesse (1859-1872) très controversée du peintre aixois. Nombreux la jugent encore gauche et indigne d’être portée aux cimaises des musées des Beaux-Arts. Á ses débuts, Cézanne ne cherche d’ailleurs pas à plaire. Il peint à l’instinct et produit des oeuvres dérangeantes à l’instar de son attitude machiste à l’égard des femmes. «Cézanne déchargeait sa violence sexuelle dans sa peinture », explique l’auteur. C’est la “période couillarde” dans l’oeuvre de l’artiste qui durera, sans compromis, jusqu’à sa rencontre décisive avec l’impressionnisme en 1872. Les Études suivantes tiennent de la véritable enquête policière. Dans Persistance de la mémoire, Lebensztejn se penche sur la datation réelle du manuscrit Mes confidences (reproduit en annexe), rédigé par Cézanne pendant son séjour présumé chez ses amis Gasquet en 1866. Grâce aux documents nouveaux exhumés par l’auteur au cadastre de la ville d’Aix, les théories anciennes tombent et la chronologie des faits est décalée vingt ans plus tard dans le siècle. Humblement, le spécialiste reconnaît la part du hasard dans la découverte d’Une source oubliée de Cézanne, le troisième essai du recueil. Il avoue « [qu’]être au mauvais endroit au bon moment est pour un enquêteur une méthode qui peut se révéler payante». Pour preuve, il rapproche le tableau de Cézanne, Léda et le cygne (Merion, PA, Barnes Fondation), d’une image publicitaire représentant une femme nue tenant une coupe qui n’est autre que l’étiquette du Champagne Nana (1880), découverte fortuitement par l’auteur à l’occasion d’une visite au musée de la Contrefaçon (Paris). Lebensztejn profite de cette comparaison édifiante pour démontrer, non sans humour, que l’histoire de l’art peut sortir des “circuits balisés”. L’ouvrage, peu mais bien illustré, se termine par une étude inédite : Prendre le dessus met en évidence la dette de Cézanne envers son vieux maître Pissarro qui enseigna à son élève à « désapprendre les conventions de la peinture». Cette leçon capitale, non seulement Cézanne la médita tout au long de sa vie, mais il sut également la transmettre à toute une génération d’artistes appelés à devenir les pionniers de l’art moderne. Jean-Claude Lebensztejn réussit à allier la rigueur de ses recherches universitaires à une verve, parfois véhémente, qui donne à ses Études un caractère singulier et attrayant.

Bertrand Dumas


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