De Watteau à David. L’art du XVIIIe siècle dans la collection Horvitz

De Watteau à David. L’art du XVIIIe siècle dans la collection Horvitz : Louis-Michel Van Loo, Portrait d’un gentilhomme, 1734. Huile sur toile © The Horvitz Collection – Photo : M. Gould    De Watteau à David. L’art du XVIIIe siècle dans la collection Horvitz : Jean-Baptiste Greuze, La Marchande de marrons, vers 1760. Pinceau, lavis gris et brun sur papier vergé © The Horvitz Collection – Photo : M. Gould    De Watteau à David. L’art du XVIIIe siècle dans la collection Horvitz : Jean-Honoré Fragonard,  Jardin d’une villa italienne avec un jardinier et deux enfants, vers 1780. Lavis brun sur léger tracé à la pierre noire. © The Horvitz Collection – Photo : M. Gould    De Watteau à David. L’art du XVIIIe siècle dans la collection Horvitz :  Nicolas de Largillière, Louise-Marguerite Bertin de Vaugien, Comtesse de Montchal, 1735. Huile sur toile. © The Horvitz Collection – Photo : M. Gould   


L'exposition


Du grand, Jouvenet en tête, mais aussi des autres, mineurs, portraits de Largillière ou natures mortes d’Houdon, voilà tous les délices de notre XVIIIe siècle amoureusement réunis dans une collection américaine, celle de Jeffrey E. Horvitz qui nous prête, un temps, notre mémoire toujours plus lointaine. Car collectionner le XVIIIe siècle, n’est-ce pas un peu perpétuer l’esprit de Goncourt ; mener cette vie d’artiste en quête d’une beauté absolue qui sait aussi célébrer la joliesse, méditer l’exquis, le spirituel, toutes ces modulations impalpables que notre société progressiste, retranchée dans son pragmatisme, son négationnisme hiérarchique et sa vulgarité, ne saura bientôt plus comprendre ? C’est aussi, comme Goncourt, se constituer un musée en mains propres, avec cette différence majeure entre deux siècles qu’il ne fallut guère compter, depuis trente-cinq ans qu’il se monte, faire des « coups » en sillonnant une friche du marché du goût !

Essaimées dans le corps du château, les œuvres des quelque cent artistes invités depuis 2008 le sont également dans les communs, dans les prés du Goualoup et dans le parc, où la relation avec la nature du paysage environnant se fait plus directe. Tirant parti des tracés courbes dessinés au XIXe siècle par Henri Duchêne sous les auspices du prince de Broglie, plusieurs d’entre eux ont également la science du point de vue de l’architecte-paysagiste. Les cabanes, ou la promenade sous les arbres et le promontoire de Tadashi Kawamata, prolongent cet art, mais surtout le fauteuil de granit disposé par Anne et Patrick face à la Loire ou les anneaux d’acier de Vincent Barré, troupeau de formes couchées paissant le paysage. Un jardin est aussi un lieu pour s’évader du monde et les œuvres sont souvent le fruit d’un pacte avec ceux qui les regardent, semble rappeler le « passage » de Cornelia Konrads menant de nature à nature, mais aussi François Méchain. Après avoir construit une cabane au milieu du square parisien du Vert-Galant pour en faire un « observatoire archaïque », son Arbre aux échelles traduit l’onirisme critique du Baron perché d’Italo Calvino en installation, nous persuadant de croire à cette vie invisible qui nous observe depuis les cimes. D’autres « cabanes » scandent également la visite, celles de la cité suspendue par Sara Favriau – dont la vaste dentelle correspond à deux tasseaux de bois minutieusement sculptés – ou le dôme géodésique monté par Miguel Chevalier au sein du parc.

En 2010, trois mois à peine après l’invention de l’iPad, Hockney l’utilise comme un carnet de croquis d’un nouveau genre, qui lui permet de conserver ou de gommer les étapes du dessin, de combiner les couleurs sans leur faire perdre leur éclat ou de les agrandir jusqu’à 600 fois. Convaincu que la technique n’annule pas la main mais la prolonge, il commence désormais ses journées en envoyant à ses proches un bouquet de fleurs fraîches dessinées à l’iPad. En 2010 et 2011, l’artiste s’enfonce dans le parc national de Yosemite pour composer au doigt sur l’écran de son iPad des vues étincelantes et surexposées des chutes d’eau moutonnantes, des forêts violettes et des pics granitiques éblouis des montagnes de la Sierra Nevada. En retour, les couleurs phosphorescentes de l’iPad incendient sa peinture. Dévisageant le paysage comme le faisait Monet, il brûle les rouges du Grand Canyon du Colorado dans des panoramiques gigantesques composés de 15 à 60 toiles, à couper le souffle.
Pour trouver ces jardins inconnus, c’est au musée d’Orsay et à sa fascinante exposition sur le paysage mystique qu’il faut se rendre. Au-delà des étoiles interroge le jardin « livré à lui-même », celui où le jardinage est parti et où la nature est revenue : « Un jardin qui n’est plus un jardin mais une broussaille colossale, écrit Victor Hugo, impénétrable comme une forêt, peuplé comme une ville, frissonnant comme un nid, sombre comme une cathédrale, odorant comme un bouquet, solitaire comme une tombe, vivant comme une foule. » Ce jardin extraordinaire de la nature, peu considéré par l’art européen, va constituer le rêve américain. « L’homme-jardin par vocation creuse la terre et interroge le ciel », rappelle Michel Tournier. L’absolu du jardin « ne s’étale pas dans une durée infinie, il se contracte dans un instant mystique » durant lequel « le présent s’éternise ». Ce supra-présent d’une nature vierge obsède les Canadiens au début du XXe siècle.



Extrait de l'article de Vincent Quéau publié dans le N°77 de la revue Art Absolument: parution le 19 mai 2017

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21/03/2017 - 09/07/2017
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